Burkina Faso – Transition : L’armée comme un cheveu dans la soupe !
Dans un communiqué lu ce dimanche 02 novembre 2014 par le Colonel Auguste Barry, l’armée à travers son porte parole burkinabè affirme : « Le pouvoir ne nous intéresse pas, seul l’intérêt supérieur de la Nation prime ». Tel un disque donc on maîtrise à la perfection le contenu, on a très vite envie de répondre qu’on connaît la chanson. Un refrain qu’ont fredonné en leur temps Moussa Dadis Camara en Guinée Conakry et Amadou Sanogo au Mali, deux militaires dont l’ivresse du pouvoir a fini par embrumer le cerveau. La suite on la connait, pour ces deux cas qui pensaient pourvoir abuser à satiété du pouvoir du peuple.
Pour être honnête, depuis l’annonce du renversement de Blaise Compaoré par la rue, j’avoue que j’ai commencé à cherché l’erreur dans cette révolution, un sursaut d’orgueil patriotique qui est à mettre grandement à l’actif du vaillant peuple Burkinabé. Des civils qui ont dû faire face aux balles sans gilets pare-balles, aux gaz lacrymogènes sans masques à gaz et à l’armée du dictateur déchu, les mains nues et avec pour seul bouclier le courage. C’est leur victoire. Une victoire acquise à coup de balais, de spatules et du sang versé.
Eurêka !! Après cogitation, l’erreur se dessine d’elle-même. Bien évidemment, ce sont ces militaires ! Soldatesque à la solde du régime et qui visiblement est décidée à conserver le pouvoir deux jours après la démission du président. Rien de surprenant jusqu’ici, car en vérité il fallait être sot pour croire que l’armée aurait déroulé le tapis rouge à un civil pour prendre les rênes du pouvoir. La situation est d’autant plus embarrassante quand on constate qu’un Lieutenant-colonel et un Général se disputent le pouvoir pendant que l’opposition n’a que sa voix pour crier à la confiscation du pouvoir. Ironique, j’ai même posé la question à un ami burkinabé à Ouaga sur Facebook :
– Qui est finalement le président de la transition au Burkina ?
– Un communiqué nous le dira, ou alors on verra qui de Zida ou de Traoré s’installera en fin de compte au palais présidentiel. En tout cas j’attends, m’a-t-il répondu.
Un pays, trois présidents en moins de vingt-quatre heures, entre vendredi 31 octobre et samedi 1er novembre 2014 ! Au-delà de la surprise, j’avais surtout honte. Honte car une fois de plus l’Afrique se livrait en spectacle. Une révolution si bien menée mais qui se termine en queue de poisson entre les différents acteurs. Bizarrement, comme en Égypte, un Abdel Fattah Al-Sissi, version Burkina, est sorti du lot et semble avoir sifflé la fin de la récréation. Le lieutenant-colonel Issac Zida, puisqu’il s’agit de lui, numéro 2 de la garde présidentielle, s’est autoproclamé chef de l’Etat, dans un communiqué diffusé sur les ondes d’une radio burkinabé. « J’assume les responsabilités de chef de cette transition et de chef de l’Etat pour assurer la continuité de l’Etat », affirme-t-il dans cette déclaration et il promet une transition « dans un cadre constitutionnel »
Et la société civile dans tout ce mélodrame ? Elle va devoir supporter encore une nouvelle fois le diktat des militaires héritiers de Blaise Compaoré, le temps d’une « transition », cette fameuse métaphore qui est en réalité une confiscation bien déguisée du pouvoir. Les militaires qui n’était pas attendus au bal, sont finalement ceux à qui profite le coup de balai citoyen. Trop occuper par les luttes de positionnement, personne ne parle des victimes, ceux qui ont été lâchement abattus par les soldats. Personne ne réclame justice pour ces pauvres victimes innocentes. L’Ebola politique fait des ravages.
Cet imbroglio au Burkina est surtout une leçon pour les partis d’opposition en Afrique. L’opposition burkinabé dans la précipitation, la guerre de leadership n’a pas compris que la « solidarité de corps » devrait plutôt primer car elle seule peut aboutir à la désignation d’un leader consensuel. Le nouveau Burkina Faso sera alors le fruit d’une concertation et d’une union de toutes les forces de l’opposition qui doivent faire bloc pour ne pas être prises au dépourvu et se faire voler « leur victoire » par les soldats de la 25e heure. Espérons seulement qu’au finish la volonté du peuple sera respectée et que les Burkinabé auront enfin un soleil radieux et sans tâche !
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